- OREILLE HUMAINE
- OREILLE HUMAINEL’oreille a deux fonctions majeures qu’exercent deux parties anatomiques de l’oreille interne: le labyrinthe antérieur, ou cochléaire, qui sert à l’audition, et le labyrinthe postérieur, qui intervient dans l’équilibration.L’appareil cochléaire ou auditif est un sens toujours en éveil, même pendant le sommeil: il constitue alors le meilleur signal d’alarme contre un danger du monde extérieur. Il permet non seulement l’accomplissement des diverses activités sociales, mais aussi le complet développement intellectuel de l’homme.L’audition est indispensable à l’enfant pour acquérir spontanément le langage. Seul un apprentissage spécialisé permet à l’enfant sourd profond d’apprendre à parler. La surdité entraîne la perte de tout contact avec le monde sonore et, avant tout, avec sa propre voix normalement contrôlée par l’audition. Sans elle, la parole est déformée et souvent difficilement compréhensible. La parole d’autrui ne peut, alors, être comprise que par le mouvement des lèvres.Selon l’importance de son infirmité, le sourd se sent plus ou moins isolé. En société, le sourd est souvent triste, renfermé sur lui-même et silencieux. Il craint les quiproquos et prête à rire. Il impose à ses interlocuteurs un effort, en leur demandant de parler de façon plus intelligible. Le retentissement social de la surdité est différent de celui des malvoyants, qui sont souvent plus gais et participent mieux à la vie sociale.Un enfant sourd est souvent rejeté par les enfants de son âge et peut devenir caractériel, coléreux, voire agressif ou évoluer vers l’autisme.L’appareil vestibulaire , associé à l’appareil visuel et à la proprioception des membres inférieurs et des muscles médians du tronc et du cou, participe à l’équilibration. Il renseigne sur la position et sur les déplacements de la tête et du corps dans les différents plans de l’espace. L’atteinte de la fonction vestibulaire peut se traduire par des vertiges, troubles anodins en apparence, mais qui, eux aussi, altèrent en définitive le comportement, ne serait-ce que parce qu’ils ont pour effet d’empêcher les malades de disposer des moyens qui sont aujourd’hui nécessaires, dans la civilisation industrielle, pour mener une vie tout à fait normale.1. AnatomieL’appareil auditif comporte trois parties.L’oreille externe comprend le pavillon de l’oreille, dont la peau est soutenue par une lame cartilagineuse mince, et le conduit auditif externe, canal transversal de 25 mm de longueur dont le tiers externe est mobile et cartilagineux et les deux tiers sont osseux.L’oreille moyenne commence avec le tympan, qui constitue le fond du conduit auditif. C’est une membrane élastique incluant le «manche» d’un osselet, le marteau, dont les mouvements vont se transmettre à la chaîne des osselets situés dans la «caisse du tympan». Celle-ci est une petite cavité communiquant avec l’extérieur par la trompe d’Eustache, canal se terminant dans le rhino-pharynx et assurant l’équilibre des pressions des deux côtés du tympan.La chaîne des osselets se compose du marteau et de l’enclume, qui forment un bloc oscillant transmettant les mouvements du tympan à l’étrier. Celui-ci agit à la manière d’un piston sur la fenêtre ovale ouverte dans le labyrinthe et, par là, communique les vibrations sonores à l’oreille interne.L’oreille interne ou labyrinthe (fig. 1) comprend deux parties: une partie auditive, le labyrinthe antérieur ou cochlée. Il est constitué par un canal membraneux neuro-sensoriel enroulé à la façon d’un limaçon: c’est donc ainsi qu’on le dénomme.L’organe de Corti forme l’appareil cellulomembraneux assurant la transformation de l’énergie acoustique en potentiels neuro-sensoriels. Ceux-ci cheminent par le nerf cochléaire, dont les fibres se rassemblent dans l’axe du limaçon pour aller rejoindre dans le conduit auditif interne le nerf vestibulaire qui provient du labyrinthe postérieur.Le labyrinthe postérieur comprend les trois canaux semi-circulaires sensibles au déplacement dans les trois plans de l’espace dans lesquels ils sont disposés: l’un, externe, dans le plan horizontal, le deuxième, antérieur, dans le plan frontal et le troisième, postérieur, dans le plan sagittal (fig. 1; cf. ÉQUILIBRATION, fig. 4). Ils aboutissent tous dans l’utricule qui communique avec le saccule. Ces deux organes contrôlent la position de la tête, respectivement dans les plans horizontal et vertical. Les labyrinthes antérieur et postérieur sont en continuité.2. SémiologieL’examen de l’oreille débute par l’otoscopie , qui permet d’inspecter le conduit auditif et la membrane du tympan. On utilise un miroir éclairant (miroir de Clar) et un spéculum d’oreille de taille appropriée. Le tympan (fig. 2) est divisé en deux étages, l’un supérieur, mince, la membrane de Schrapnell, l’autre inférieur, résistant, englobant le manche du marteau, la pars tensa.L’emploi du microscope stéréoscopique précise l’examen. La mobilité du tympan est étudiée par la variation de pression d’air du conduit (manœuvre de Siegle).La radiologie, et notamment la tomodensitométrie, précise la morphologie des structures plus profondes.Les trois principaux troubles fonctionnels sont la surdité, les acouphènes (troubles auditifs) et le vertige.La surditéOn appellera surdité toute baisse unilatérale ou bilatérale de l’ouïe, quels que soient son degré et sa localisation. La mesure de la fonction acoustique se fait par l’audiométrie [cf. ACOUSTIQUE].Examen audiométriqueL’audiomètre tonal, générateur de sons purs, étalonnés en fréquences: 125, 250, 500, 1 000, 2 000, 4 000 et 8 000 hertz, et en intensité (de 0 à 120 dBA), permet d’apprécier l’audition par voie aérienne (physiologique) de façon bilatérale, simultanément par un haut-parleur, ou séparément par un casque, ou encore par voie osseuse au moyen d’un vibreur qui stimule la cochlée.L’audiométrie liminaire permet de rechercher les seuils de sensibilité. Le résultat est rapporté sur un graphique (audiogramme) qui comporte en abscisses les fréquences et en ordonnées négatives les intensités en décibels (dB). Il s’agit alors de décibels de perte auditive par rapport au seuil physiologique normal. Pour une oreille normale, les courbes de conduction aérienne (CA) et de conduction osseuse (CO) sont confondues avec la ligne 0 dB (fig. 3), qui correspond à leurs seuils.L’audiométrie supraliminaire consiste à apprécier le fonctionnement auditif au-dessus du seuil par diverses méthodes et principalement par la recherche du phénomène de «recrutement» (Fowler). Celui-ci traduit une hypersensibilité de l’oreille hypoacousique aux fortes intensités. Le recrutement est en rapport avec une surdité cochléaire.L’audiométrie vocale utilise le stimulus le plus physiologique de l’ouïe, c’est-à-dire la voix humaine. Elle a grand intérêt dans les indications d’appareillage des surdités.L’audiométrie conditionnée consiste à développer un réflexe conditionné aux sons: peep-show , réflexes d’orientation . Elle est utilisée pour l’examen des enfants.L’impédancemétrie (Metz)L’oreille moyenne avec le tympan et les osselets joue le rôle d’un adapteur d’impédance qui facilite le passage du son de l’air dans le milieu liquidien de l’oreille interne. L’impédancemétrie consiste, en faisant varier la pression dans le conduit auditif, à mesurer, pour chaque valeur de cette pression, l’énergie sonore absorbée par l’oreille. La courbe ainsi obtenue, le tympanogramme, est normalement un pic centré sur la pression 0 traduisant une équipression sur les deux faces du tympan (fig. 4 a). Cet examen permet d’étudier non seulement l’appareil de transmission, mais des mécanismes réflexes tels que celui du muscle de l’étrier faisant intervenir le nerf facial.Les potentiels évoqués auditifs (P.E.A.)L’activité électrique induite par un stimulus sonore recueilli par des électrodes externes est très faible et doit être extraite du bruit de fond par des méthodes électroniques (filtrage et moyennage) pour pouvoir être enregistrée.On peut ainsi enregistrer les P.E.A. précoces qui se présentent sous la forme de cinq ondes, chacune correspondant à une région anatomique de la voie nerveuse auditive (fig. 4 b). L’étude des latences des ondes permet d’apprécier la conduction nerveuse de chaque segment, et le niveau d’apparition des ondes constitue un test d’audiométrie objective. Les P.E.A. ont en grande partie remplacé l’électrocochléographie qui nécessitait la pose d’une électrode à travers le tympan.Classification des surditésOn distingue deux grands groupes de surdités, celles de transmission et celles de perception (fig. 3).La surdité de transmission traduit une atteinte de l’oreille externe ou de l’oreille moyenne, donc de l’appareil de transmission du son. L’audiométrie tonale liminaire permet le diagnostic: la conduction osseuse est normale, la conduction aérienne est seule diminuée.L’écart entre ces deux courbes caractérise cette forme de surdité et s’intitule le Rinne audiométrique.L’impédancemétrie peut montrer un tympanogramme modifié avec un pic décalé en cas de dysfonction de la trompe d’Eustache (fig. 4 a 2) ou une courbe plate en cas d’épanchement dans la caisse du tympan.La surdité de perception traduit une atteinte de la cochlée, du nerf ou des voies auditives centrales. L’audiométrie tonale liminaire permet le diagnostic: la conduction osseuse est abaissée parallèlement à la condition aérienne – le Rinne est nul.L’audiométrie supraliminaire, et en particulier la présence de recrutement, différenciera une surdité cochléaire d’une surdité rétrocochléaire (nerf auditif). L’enregistrement des potentiels évoqués auditifs est particulièrement intéressant en montrant, dans le cas d’une lésion rétrocochléaire, une augmentation de la latence des ondes centrales III et surtout V.Une place à part doit être faite aux surdités de l’enfant . Les surdités de transmission bilatérales, souvent en rapport avec une otite séreuse curable, ne posent pas de problèmes majeurs. En revanche, les surdités de perception bilatérales, si elles sont importantes et précoces, peuvent être la cause d’une «surdité-mutité». Dans certains cas, la lésion est génétique, ce qui caractérise les surdités héréditaires. Mais elle peut avoir une cause extérieure à l’organisme: atteinte de l’embryon par la rubéole ou diverses intoxications pendant les deux premiers mois de la grossesse, atteinte du fœtus en cas de syphilis, d’incompatibilité rhésus ou de traumatisme obstétrical. Après la naissance, des infections ou des intoxications peuvent être en cause.Les acouphènesOn appelle acouphènes tous les bruits d’oreilles, qu’il s’agisse de sifflements, de bourdonnements, de battements ou de tintements.En plus de l’examen clinique et de l’audiométrie, qui permet de rechercher une surdité associée et de déterminer la tonalité et l’intensité de l’acouphène, l’auscultation permet de différencier les acouphènes objectifs, qui sont perçus par l’observateur, des acouphènes subjectifs qui ne sont perçus que par le sujet.Les acouphènes objectifs peuvent être d’origine auriculaire (claquements tubaires, myoclonie des muscles de l’oreille) ou extra-auriculaires (myoclonie du voile du palais, bruits de l’articulation temporo-maxillaire). Enfin, il peut s’agir de souffles vasculaires (sténoses et anévrismes).Parmi les acouphènes subjectifs , beaucoup plus fréquents, on peut distinguer: les acouphènes associés à une surdité même très localisée, procédant de la même cause que celle-ci; les acouphènes isolés, sans surdité, d’origine réflexe (cervicale, temporo-maxillaire) ou humorale (déséquilibre biologique), ou encore circulatoire.En dehors du fait que l’acouphène est souvent mal toléré psychiquement, il existe de véritables acouphènes psychiques . Ils ont fréquemment alors une forme figurée et ne sont plus de simples sons.Certains acouphènes intenses sont parfois très mal tolérés. En dehors des médicaments, on a proposé différentes techniques qui n’ont pas encore fait leurs preuves: les masqueurs acoustiques et les stimulateurs électriques.Le vertigeLe vertige est une sensation erronée de déplacement des objets. On ne doit pas le confondre avec le vertige des hauteurs, qui est une phobie psychique, ou avec un déséquilibre isolé.Généralement, le vertige donne une sensation de rotation des objets dans un des plans de l’espace. Cependant, il peut procurer une sensation de déplacement longitudinal ou, parfois, de simples oscillations.Nausées et quelquefois vomissements sont habituellement associés aux vertiges en raison de la proximité dans le tronc cérébral des noyaux sensitifs vestibulaires et des noyaux végétatifs du pneumogastrique responsables des troubles viscéraux.Le vertige ainsi défini est toujours dû à une perturbation de l’appareil vestibulaire ou des voies nerveuses vestibulaires. Il en résulte deux ordres de manifestations: d’une part, un trouble de l’équilibre postural avec un déplacement latéralisé lent du corps et, d’autre part, un trouble de la fonction vestibulo-oculaire avec apparition d’un mouvement conjugué des globes oculaires: le nystagmus.L’examen de l’équilibre postural est apprécié par la déviation des index, la marche aveugle en étoile (Babinski) et l’inclinaison du corps (Romberg), que l’on peut enregistrer par la statokinésimétrie.L’examen de la fonction vestibulo-oculaire est fondé sur le nystagmus labyrinthique. Ce mouvement oculaire comprend une déviation lente suivie d’une secousse de rappel rapide qui détermine le sens du nystagmus. C’est ce mouvement oculaire qui donne la sensation de déplacement des objets. Il sera examiné derrière des lunettes de vingt dioptries pour éviter la fixation du regard. On pourra l’enregistrer par électronystagmographie (fig. 5) qui capte et amplifie les potentiels cornéo-rétiniens. Le nystagmogramme normal met en évidence ses deux composantes: lente et rapide. L’apparition d’un nystagmus dans les conditions de l’examen habituel ou dans différentes positions (Aubry) ou mouvements de la tête est pathologique.Le nystagmus peut être provoqué par certains stimuli et être ainsi étudié.La stimulation thermique (Barany) consiste à irriguer le conduit auditif avec de l’eau froide qui inhibe le labyrinthe ou avec de l’eau chaude qui l’excite. Cette méthode permet d’étudier les deux oreilles séparément. L’inhibition entraîne un nystagmus battant du côté opposé et des déviations posturales du même côté. L’excitation donne des signes opposés (fig. 6).La stimulation giratoire peut être obtenue en faisant tourner le sujet sur un fauteuil spécial, ce qui réalise le stimulus le plus physiologique. Mais une méthode plus commode utilise la stimulation pendulaire (Hennebert), où le sujet oscille autour d’un axe vertical.On distingue deux catégories de vertiges labyrinthiques.Les vertiges labyrinthiques périphériques pour lesquels les épreuves labyrinthiques donnent des réactions normales, exagérées, diminuées ou abolies, mais non dissociées, dites harmonieuses. C’est alors l’ensemble de la fonction vestibulaire qui est altéré, le siège de la lésion pouvant se situer dans l’appareil vestibulaire, le nerf vestibulaire ou dans les noyaux vestibulaires du tronc cérébral lorsqu’ils sont globalement atteints. Cette atteinte peut être due à des causes locales: traumatisme, troubles vasculaires, maladie de Ménière, cupulolithiase; des causes de voisinage: otite moyenne, origine vertébrale (arthrose, traumatisme, insuffisance vertébro-basilaire); ou des causes générales: intoxication, infection, allergie, etc.Les vertiges labyrinthiques centraux sont plus un signe de déséquilibre que de vrais vertiges et les épreuves donnent des résultats dysharmonieux. Les voies labyrinthiques cérébrales sont alors en cause. C’est un problème oto-neurologique.Les lésions les plus caractéristiques sont celles du tronc cérébral: syndromes expansifs (tumeurs), vasculaires, dégénératifs, plurifocaux (sclérose en plaques, syringobulbie).3. Les maladies de l’oreillePathologie régionaleIl s’agit de la pathologie spécifique de chacune des parties de l’oreille.Oreille externeL’oreille externe comprend deux parties: le pavillon et le conduit auditif externe.Le pavillon peut être le siège de tumeurs, d’infections, d’hématomes après traumatisme ou de malformations congénitales. Parmi celles-ci, les oreilles décollées sont une forme mineure due plutôt à un défaut de relief du pavillon et qui peut être corrigé chirurgicalement vers l’âge de sept ans.Le conduit auditif peut être obstrué par le banal bouchon de cérumen ou un corps étranger, ou bien rétréci par les proliférations osseuses ou exostoses. Surtout, il peut être infecté: l’infection peut être diffuse (otite externe), localisée (furoncle) ou surajoutée à un eczéma local ou à une mycose.Oreille moyenneInfections ou otitesL’otite moyenne aiguë est très fréquente, secondaire à une infection rhino-pharyngée propagée par la trompe d’Eustache. Elle débute très souvent brusquement. La douleur est vive, l’oreille paraît bouchée, la fièvre apparaît. Une incision du tympan ou paracentèse est parfois nécessaire, mais l’otite peut s’ouvrir spontanément, d’où écoulement de pus par le conduit auditif. Traitée au début, la maladie peut avorter. L’évolution est généralement bénigne; la mastoïdite, complication classique, est aujourd’hui rare. Elle est parfois grave chez le nourrisson, le vieillard, au cours d’une fracture du rocher, ou chez le diabétique. Normalement, la perforation se cicatrise, mais la persistance d’une perforation résiduelle du tympan est toujours possible.Dans l’otite moyenne chronique , il existe non seulement une perforation permanente du tympan, mais également un écoulement, permanent ou intermittent. On distingue, d’une part, les otites mucopurulentes avec large perforation inférieure et écoulement muqueux ou filant – cette forme, rebelle à la thérapeutique, mais bénigne, n’altère que faiblement l’audition; d’autre part, les otites purulentes avec des perforations parfois étendues ou localisées à la partie postéro-supérieure du tympan ou à la membrane de Schrapnell (atticite). La muqueuse peut former des polypes gênant le drainage du pus, souvent fétide. Il peut exister une atteinte osseuse: ostéite, exposant à des complications (vertiges, paralysie faciale, accidents cérébraux) et détruisant les osselets, d’où surdité importante. Le passage d’épiderme cutané dans l’oreille moyenne par la perforation tympanique, ou par rétraction progressive du tympan vers l’attique, forme des amas épidermiques desquamants, le cholestéatome, volontiers surinfecté. Les otites chroniques sont souvent traitées par la chirurgie, la présence d’un cholestéatome rendant nécessaire ce type d’intervention.L’otite tuberculeuse peut s’observer chez le tuberculeux pulmonaire avéré ou être isolée. Le diagnostic est établi après un examen bactériologique spécial.L’otite séreuse est caractérisée par un épanchement de sérosité non purulente dans la caisse du tympan. Elle est considérée comme une forme atténuée d’infection. Il n’y a ni douleurs ni fièvre, mais seulement une surdité avec sensation d’oreille bouchée. Le tympanogramme montre une courbe plate (fig. 4 b, courbe 3), la tympanotomie permet de retirer ce liquide, et la pose d’un drain transtympanique (aérateur) peut être indiquée.Les complications infectieuses des otites beaucoup plus rares grâce aux progrès de la thérapeutique antibiotique sont:– la mastoïdite , complication de l’otite aiguë: les douleurs, fièvre, tuméfaction rétro-auriculaire sont inconstantes; le diagnostic en est rendu plus aisé par la radiographie des mastoïdes montrant les images de destruction des cloisons cellulaires et imposant l’intervention chirurgicale;– les complications veineuses : thrombophlébite sinuso-jugulaires ou septicémies;– les complications osseuses : extension de l’infection au rocher, ou pétrosite; l’atteinte du canal de Fallope entraîne une paralysie faciale, celle du labyrinthe, des vertiges et une surdité de perception grave;– les méningites , les abcès du cerveau ou du cervelet sont des complications de l’otite chronique autrefois fréquentes.Les troubles de la ventilationLes troubles de la ventilation sont liés à un défaut de fonctionnement de la trompe d’Eustache. Normalement fermée, celle-ci s’ouvre à chaque déglutition, ce qui permet de rétablir constamment dans l’oreille moyenne une pression égale à la pression extérieure. Une surpression de l’oreille moyenne s’échappe pratiquement toujours par la trompe d’Eustache. En revanche, un vide relatif de l’oreille moyenne peut ne pas être corrigé, car il se produit un mécanisme de clapet qui empêche l’air de franchir la trompe. On peut explorer cette fonction en pratiquant une insufflation de la trompe à l’aide d’une sonde d’Itard, ou encore, avec plus de précision, en utilisant l’impédancemétrie qui montre un pic décalé à gauche (fig. 4 bis, b).Le trouble de la ventilation le plus banal est le catarrhe tubaire . La trompe d’Eustache s’obstrue à l’occasion d’une infection rhino-pharyngée (rhume, végétations adénoïdes infectées, etc.). L’air de la caisse se résorbe et un vide relatif s’établit, qui n’est pas compensé, déterminant une surdité unilatérale en cas d’évolution vers l’otite séreuse. Le traitement de la cause et l’insufflation tubaire corrigent ces troubles (Politzer).L’otite dysbarique s’observe le plus souvent lors de la descente d’avion, par défaut d’égalisation pressionnelle. Un vide relatif a été brusquement créé dans la caisse du tympan. Il en résulte, outre une sensation d’oreille bouchée, une violente douleur; le tympan est très rouge. L’insufflation tubaire n’est pas toujours une thérapeutique efficace en raison du mécanisme de clapet signalé plus haut. On doit alors envisager soit une mise en caisson de décompression et recompression très lente, soit une paracentèse.Dans le cas des otites des plongeurs , le mécanisme est identique, mais peut être plus violent et entraîner une rupture de la membrane du tympan.Les tumeursLes tumeurs de l’oreille moyenne sont rares; une forme particulière est le glomus jugulaire, bénin, mais grave par sa localisation et sa constitution favorisant les hémorragies.Les lésions chroniques tympano-ossiculairesLes lésions chroniques tympano-ossiculaires se manifestent essentiellement par une baisse de l’audition à type de surdité de transmission, avec conduction osseuse peu ou pas altérée. On distingue trois formes:– les formes congénitales , avec malformation des osselets souvent associée à une agénésie de l’oreille externe;– les séquelles d’otites dont le tympan garde la trace et qui peuvent se présenter comme une perforation résiduelle du tympan, sans écoulement et justiciable d’une greffe (tympanoplastie), ou encore une tympano-sclérose, ou otite adhésive. Cette dernière accolant le tympan à la paroi profonde de la caisse est de traitement chirurgical difficile;– l’otospongiose est une surdité progressive, bilatérale, pouvant s’installer à partir de l’adolescence et souvent chez la femme à l’occasion d’une grossesse. Cette surdité s’accompagne de bourdonnements d’oreille et s’accommode d’une bonne audition au téléphone (par voie osseuse) et même d’une meilleure audition dans le bruit: c’est la paracousie paradoxale de Willis.L’audiométrie tonale liminaire montre qu’il s’agit d’une surdité de transmission, mais avec une atteinte cochléaire associée, plus ou moins importante, et qui conditionne le pronostic opératoire.La cause de l’otospongiose est l’ankylose de la platine de l’étrier dans la fenêtre ovale par une dysplasie osseuse progressive d’origine génétique. Cette surdité, fréquente, mérite une place particulière en raison de son traitement chirurgical dont les résultats sont spectaculaires. Il s’agit d’une microchirurgie de la fenêtre ovale comportant l’ablation de l’étrier de sa platine puis le rétablissement de la continuité de l’appareil de transmission par une prothèse (fig. 7).Oreille interneLes traumatismesLes fractures du rocher atteignant l’oreille interne peuvent entraîner soit des vertiges avec une destruction labyrinthique, soit une surdité de perception, soit encore une paralysie faciale, soit enfin une association de ces lésions. C’est par une radiologie spécialisée que l’on met en évidence des fractures parcellaires du labyrinthe très destructrices.Les fissures traumatiques des fenêtres provoquent des vertiges, une surdité de perception fluctuante et un acouphène. La fermeture chirurgicale de ces microlésions guérit les vertiges et améliore l’atteinte cochléaire de façon variable.La commotion labyrinthique peut avoir une forme objective, avec signes de destruction aux examens audiométriques et labyrinthiques, de pronostic réservé, ou une forme subjective, sans modification des signes d’examen, et d’évolution plus bénigne.Les traumatismes sonores donnent essentiellement des troubles auditifs: surdité et acouphènes. Ils peuvent être causés par un bruit violent, même isolé: arme à feu, pétard, claquement dans un écouteur de téléphone. Le sujet ressent un sifflement et constate un déficit de l’audition, souvent limité à la fréquence de 4 000 Hz: scotome auditif caractéristique. Ils peuvent également être la conséquence de bruits répétés, généralement d’origine professionnelle, d’une intensité d’au moins 90 dB. Il faut tenir compte de la durée d’exposition et de la sensibilité propre de la cochlée. La surdité commence aussi par un déficit sur la fréquence de 4 000 Hz, puis s’étend à l’ensemble des sons aigus.Le traitement est essentiellement prophylactique (protection auriculaire surtout).Les barotraumatismes , survenant surtout au cours de la plongée sous-marine, atteignent l’oreille interne (surdité et vertiges) et provoquent des lésions de l’oreille moyenne.Les toxi-infectionsLes toxi-infections peuvent atteindre la cochlée ou le vestibule ou les deux à la fois, ainsi que le nerf cochléo-vestibulaire (névrite).Parmi les intoxications , il faut signaler les effets nocifs de certains médicaments: la plupart des aminosides (streptomycine, kanamycine, gentamycine), néomycine, quinine, salicylate de sodium; certaines intoxications professionnelles dues au plomb, à l’oxyde de carbone, à l’arsenic, au benzol, etc. Alcool et tabac sont nocifs.Parmi les infections , citons surtout la névrite et les méningonévrites: syphilis, oreillons, zona, certains virus neurotropes.Les troubles vasculairesLa vascularisation du labyrinthe est très fragile, faite d’artérioles terminales, sans suppléance possible provenant de la minuscule artère auditive interne dérivant du tronc vertébro-basilaire, né lui-même des artères vertébrales cheminant dans le rachis cervical.Les troubles vasculaires se traduisent par des spasmes vasculaires ou une thrombose, rarement une hémorragie labyrinthique entraînant une destruction totale d’une oreille. Ils peuvent venir de plus loin dans l’insuffisance vertébro-basilaire et s’associer à des troubles neurologiques du tronc cérébral. Une place à part doit être faite à la bénigne vaso-dilatation entraînant des vertiges, et qui n’est qu’un équivalent migraineux.La surdité brusque est une surdité de perception pure, avec effet de recrutement, apparue brutalement, en pleine santé apparente. Elle est probablement en rapport avec un spasme artériolaire. Un traitement d’urgence peut faire céder le spasme et améliorer l’audition.Les troubles liquidiensL’altération chimique ou pressionnelle des liquides de l’oreille interne se traduit par une expression clinique particulière: la maladie de Ménière . Elle survient chez des sujets d’âge moyen et se caractérise par des crises typiques associant un violent vertige giratoire à des troubles auditifs désignant l’oreille responsable: bourdonnements, sensation de plénitude et surdité. Pendant la crise, il existe un vif nystagmus battant souvent vers l’oreille saine et traduisant le processus destructif à l’œuvre. Entre les crises, il n’y a aucun vertige résiduel, mais l’examen permet de constater du côté atteint une baisse auditive de type de perception pure qui s’aggrave à chaque poussée. Cette surdité de perception est du type endocochléaire, comme le met en évidence l’audiométrie supraliminaire (recrutement). Enfin, l’examen labyrinthique montre une hypo-excitabilité progressive mais harmonieuse. L’électronystagmographie est utile.La cause de la maladie de Ménière est un trouble liquidien dont la résultante le mieux connue est l’hypertension des liquides labyrinthiques, ou hydrops (Dix et Hallpike).Le traitement de la maladie de Ménière est d’abord médical, pour tenter de stopper les poussées évolutives. En cas d’échec, on a recours à la chirurgie, dont les méthodes varient selon l’état de l’audition: elles peuvent être destructrices (trépanation labyrinthique) ou conservatrices (section du nerf vestibulaire).Les troubles involutifsLes troubles involutifs sont essentiellement des surdités, parfois des acouphènes.Parmi les surdités héréditaires , il faut distinguer la surdité récessive sporadique précoce, à l’origine de la moitié des cas de surdi-mutité, qui se présente comme une surdité congénitale, et la surdité hérédolabyrinthique dominante, qui apparaît entre dix et trente ans et évolue progressivement.Dans la presbyacousie ou surdité de sénescence , l’audition s’altère avec l’âge. C’est une surdité physiologique, conséquence normale du vieillissement. L’atteinte peut être décelée audiométriquement dès la quarantaine par une baisse de la perception des sons aigus. Progressivement, la courbe de conduction descend, plus rapidement pour les sons aigus que pour les sons graves. La presbyacousie est une accélération de ce processus physiologique. La courbe plongeante est caractéristique. Elle explique la mauvaise intelligibilité, surtout des mots mal articulés, car le déficit sur les aigus trouble l’audition des consonnes. Le sujet comprend mal les conversations de groupe, dans le bruit, parce que l’intégrité des sons graves n’apporte aucun effet de masque sur le bruit ambiant.Les tumeursLes tumeurs sont essentiellement celles de l’angle ponto-cérébelleux et spécialement le neurinome de l’acoustique. Lorsque le diagnostic a été affirmé de façon précoce, par les examens neuro-radiologiques, le neurinome doit faire l’objet d’une exérèse chirurgicale, dont les conditions ont été considérablement améliorées (abords sus-pétreux ou abord translabyrinthique de la tumeur). Apparaissant d’abord dans le conduit auditif interne, le neurinome comprime les organes voisins (vaisseaux et nerfs) sans les envahir. L’hypoacousie, unilatérale, parfois associée à des vertiges, impose un bilan otoneurologique (diminution de l’excitabilité labyrinthique, atteinte éventuelle du trijumeau avec anesthésie cornéenne). On pratiquera un enregistrement des potentiels évoqués auditifs, qui montrera une augmentation des latences des ondes III et V, les radiotomographies du conduit auditif interne à la recherche d’un élargissement osseux et une tomodensitométrie avec injection veineuse iodée précisant l’extension de la tumeur.Les neurinomes diagnostiqués au début peuvent être retirés par voie otologique micro-chirurgicale.Appareillage des surditésAutrefois réalisé par des cornets acoustiques, l’appareillage des surdités consiste actuellement exclusivement en prothèses électroniques. Elles sont constituées par un ensemble miniaturisé comprenant un microphone, un amplificateur transistorisé à pile et un écouteur [cf. MICROÉLECTRONIQUE].Il existe plusieurs types d’appareillages, pour le choix desquels les indications médicales sont déterminantes (cf. PROTHÈSES). En premier lieu, on pourra classer les appareillages selon leur présentation: en boîtier relié à l’oreille par un fil, en contour d’oreille derrière le pavillon ou dans les branches des lunettes (lunettes auditives), en position intracanalaire. On les définira ensuite selon leur puissance en fonction du nombre de transistors. On distingue enfin divers types d’appareils d’après leur point d’application, en général par voie aérienne au moyen d’un petit embout moulé dans le conduit auditif, plus rarement par voie osseuse grâce à un vibreur mastoïdien, et d’après leur caractéristique de sortie pour s’adapter à certaines formes de surdité: appareils à compression éliminant les sons intenses ou appareils à filtre, généralement passe-bas pour diminuer les sons graves.Malgré leurs perfectionnements, les prothèses auditives actuelles sont loin de pouvoir corriger ou même soulager toutes les surdités.Une place à part doit être faite aux implants cochléaires , destinés à appareiller les surdités de perception quasi totales dont le nerf auditif n’est pas dégénéré. L’implantation chirurgicale peut être intracochléaire avec une (House) ou plusieurs (Michelson, Chouard) électrodes. Elle peut aussi être extracochléaire. Ces méthodes, qui n’amènent que des informations sonores fragmentaires, nécessitent une rééducation complémentaire. De même, les décodeurs tactiles, transmettant les vibrations sonores à une simple zone cutanée, peuvent également apporter une aide aux sourds complets.
Encyclopédie Universelle. 2012.